mercredi 13 novembre 2013

Qui s'intéresse au surprésentéisme ?

Pas les dirigeants en tout cas !

Hier, j'étais invité dans un cercle patronal de réflexion afin de présenter mes travaux de recherche sur la santé au travail. Ravi de diffuser mes observations et mes idées sur le sujet, je m'apprête à parler à la fois d'absentéisme, de surprésentéisme et du "malaise des cadres".

Ils m'arrêtent toutefois : l'absentéisme, oui ça les intéresse, car ils souffrent de salariés qui s'absentent pour un rien. Le "malaise des cadres", pourquoi pas ? Ils sont prêts à m'entendre dire trois mots dessus. Le surprésentéisme, en revanche, non, ils ne jugent pas utiles d'en parler. Cela leur semble un épiphénomène inintéressant à étudier. Ils ont du mal à croire que d'autres personnes que les cadres supérieurs s'adonnent à cette pratique.

dimanche 29 septembre 2013

« Le télétravail, c’est très bien et dramatique en même temps ! »

Certaines entreprises permettent à leurs cadres quand ils sont malades de faire du télétravail de manière sauvage, c'est-à-dire sans qu'un accord collectif existe ou que des règles encadrent cette pratique.
Elodie travaille dans une entreprise américaine au service marketing en tant que chef de produit. La culture de son service fait que le télétravail soit la norme en cas de maladie : 
« Quand une personne est malade, à part si elle n’est pas en état de faire quelque chose, sinon on s’attend à ce que la personne travaille une à deux heures dans la journée. On peut comprendre qu’elle ne vienne pas au bureau, mais pas qu’elle n’ouvre pas son BlackBerry et réponde pas aux mails urgents. C’est mal perçu, ça surprendrait. »

Elodie se montre elle-même ambivalente par rapport à cette solution qui constitue une alternative entre l'absence et la présence totales. « Le télétravail, c’est très bien et dramatique en même temps ! » s'exclame-t-elle. D'un côté, il est appréciable d'éviter les transports en commun bondés le matin en région parisienne, surtout lorsqu'on se sent pas bien. De même, on préfère ne pas avoir de collègues contagieux dans son open space. Mais, de l'autre côté, il est quasi impossible de couper avec son travail quand on est au fond du lit et qu'on a besoin de se reposer totalement.


samedi 14 septembre 2013

La promiscuité comme source de surprésentéisme


Dans un monastère disposant d’une auberge, d’une fromagerie et d’un magasin de produits régionaux, chaque moine œuvre à une activité. Cela va de la comptabilité au maraîchage en passant par la vente de confitures sur les marchés. Alors que la moyenne d’âge est supérieure à soixante ans, plusieurs moines font état de leurs difficultés physiques à fournir le travail requis sans s’arrêter. Mais de quel type de surprésentéisme s'agit-il ? 

Pour les moines, lieux de vie et lieux de travail se confondent. Dans une telle promiscuité, le contrôle social est mécaniquement élevé.  Du fait de la visibilité lors des offices par exemple, le moine qui n'effectuerait pas son travail pour cause de maladie risque d'être épié pour vérifier qu'il présente effectivement les apparences d'une personne en mauvaise santé. Ce regard inquisiteur n'est pas agréable à sentir sur soi.

Il est donc difficile de déceler chez eux ce qui tient de la solidarité envers le collectif, de l’altruisme à l’égard de son compagnon de travail, du sentiment de culpabilité en cas d’absence ou bien uniquement de la pression sociale.

jeudi 29 août 2013

Le choc du premier arrêt maladie de sa vie

Quand une personne qui n'a jamais l'habitude de s'arrêter doit le faire parce qu'elle se retrouve incapable de sortir de son lit, cela peut lui faire un choc : sa vulnérabilité lui apparaît au grand jour.

Cet extrait d'entretien avec Hervé, chef de projet d'une trentaine d'années, l'illustre :
« Il m'est arrivé une seule fois de m'arrêter. D'habitude, quand je suis malade, je fais avec. Et puis je tombe peu malade, c'est des petits trucs, des maux de tête, une petite grippe, un coup de fatigue. Quand il m'est arrivé pour la première fois de rater un jour de travail car j'étais incapable de tenir ma place, ça m'a fait un choc. J'ai eu comme un sentiment de honte de rater une réunion. C'était comme montrer une faiblesse, un manque de fiabilité. Je peux tomber malade. Cela crée un précédent : il est possible que je sois absent lors d’une réunion importante... »

samedi 17 août 2013

Qui renonce ou diffère des soin médicaux ?

Sans surprise, la renonciation ou la procrastination de soins médicaux est directement corrélée aux revenus !

On peut découper la société en 6 classes sociales : les défavorisés, les catégories modestes, les classes moyennes inférieures, les classes moyennes intermédiaires, les classes supérieures et les aisés. Il arrive à 27 % des défavorisés de renoncer ou différer souvent ce type de soins, ainsi qu'à 11 % des catégories modestes, 5 % des classes moyennes inférieures, 3 % des classes moyennes intermédiaires et 1 % des classes supérieures et aisées de le faire.

Pour les soins dentaires, ces taux sont toutefois plus élevés : plus de 50 % pour les défavorisés, 22% pour les catégories modestes, 9 % pour les classes moyennes inférieures, 6 % pour les classes moyennes intermédiaires et 4 % pour les classes supérieures.

Source : Laure Bonneval et al., « Portrait des classes moyennes », Fondation pour l’innovation politique, octobre 2011, p.22.

lundi 29 juillet 2013

Julien, consultant en informatique

« Dans notre entreprise, on ne s’arrête pas pour un rhume, on s’arrête quand on est vraiment malade. Donc c'est pas mal vu de s’arrêter.
Par contre, pendant ce temps-là, on ne fait pas de chiffre. J'ai un collègue malade qui dit, quelques mois plus tard son arrêt maladie : "Là, j’en chie. Quand j’ai été malade, j’ai pas généré de business, donc là j’en chie. J'ai plus beaucoup de missions, j'ai pas touché mes primes."


vendredi 19 juillet 2013

Quand le médecin doit convaincre le patient de s'arrêter


Pascal est un jeune médecin généraliste installé en libéral en Loire-Atlantique. Un de ses étonnements lors de ses débuts fut de faire face à des patients refusant de s’arrêter alors qu’ils présentaient des pathologies lourdes. C’est le cas notamment d’agriculteurs qui viennent chercher auprès de lui des traitements pour réduire symptômes et douleurs mais qui n’envisagent pas de rester au repos une seule journée tant que leur corps leur permet de bouger. Afin de s’adapter à cette patientèle – certains renonceraient peut-être à consulter si le médecin leur donnait une leçon de morale – Pascal tente de les sensibiliser aux effets nocifs d’une absence de convalescence. Il passe parfois par leur entourage pour les convaincre de s’arrêter quelques jours ou, du moins, d’éviter autant que possible certaines tâches qui risqueraient d’aggraver la pathologie observée.

Plus généralement, toute la difficulté pour le médecin traitant est de connaître assez finement l’activité de ses patients ainsi que leur fonctionnement psychique afin d’estimer dans quelle mesure la poursuite du travail est compatible, sous réserve d’adaptation, à leur état de santé. Dans certains cas, le maintien au travail peut servir la guérison ; dans d’autres cas, il l’éloigne.